Le 8 avril je décrivais l’hallucinante invention, par un maire UMP et un Inspecteur d’Académie probablement désireux de doper sa carrière en faisant du zèle, d’une école de plus de six cents élèves qui naîtrait de la fusion de deux écoles existantes, projet unanimement refusé par les parents d’élèves concernés. J’annonçais une rencontre avec l’Inspecteur d’Académie. Elle a eu lieu le 9 avril, trois enseignants et trois parents d’élèves ont été reçus en audience par un adjoint de l’IA. La délégation a été écoutée dans une ambiance de dialogue et de sérénité et a reçu oralement assurance que le projet de fusion des deux écoles était reporté et qu’un directeur serait nommé à Paul Bert (la directrice de cette école, opposée au projet et purement et simplement écartée des débats dès la rentrée, ayant demandé et obtenu sa mutation). Les choses semblaient donc en voie d’apaisement.
Or le maire, dans un courrier aux familles daté du 23 avril relançait l’inquiétude par ces quelques lignes : « la direction de Guy Môquet assurera l’intérim de celle de Paul Bert assistée d’une aide à la direction assurée à plein temps par un une enseignant(e) de cette école ». En clair, pour le maire, le directeur de Guy Môquet serait bien le seul patron des deux écoles et le projet de fusion se poursuivait donc. Inquiets de ce double discours, les parents d’élèves ont alors écrit à l’IA pour obtenir une confirmation écrite des propos tenus lors de l’audience. Silence radio du côté de l’IA, nouveau courrier des parents le 19 mai. Cette fois l’IA a répondu et ce courrier mérite d’être diffusé ici.
"Mesdames et Messieurs les représentants,
Je vous remercie du soin apporté à l'évolution des deux écoles qui vont faire l'objet , à partir de la rentrée , d'un projet de fusion travaillé en concertation étroite entre l'Inspection académique et la ville de Nogent .
Ce projet, reporté car encore insuffisamment mûri, est porteur de
valeurs et de sens. Il mérite un examen à la fois attentif, objectif,
sans a priori polémique , sans passions inutiles et nuisibles à l'intérêt des élèves-ce qui est mon unique préoccupation.
J'ai
donc pris la décision- dans un contexte où les adultes paraissaient peu
en mesure d'ouvrir des discussions sereines- de " bloquer" le poste de
la direction vacant , afin de ménager toutes les hypothèses, sans
qu'aucune ne soit arrêtée.
En effet, M. le Maire et moi sommes
d'accord sur la nécessité d'un vrai débat pédagogique ( et seulement
pédagogique )à partir du tout début de l'année 2009-2010.
Les
échanges, soutenus par la bonne volonté active de la Municipalité et
d'un nouvel Inspecteur de l'Education Nationale nommé à la rentrée,
porteront sur l'essentiel : le projet pour l'école , et les apports de
chacun. Au terme des discussions, après écoute et analyse, devant le
CDEN de février , Monsieur le Maire et moi prendrons les décisions
utiles, chacun dans sa compétence , sur un mode de " dérogation
expérimentale" s'il le faut ( article 34 de la " Loi d'orientation pour
l'école" - donc dans des environnements réglementaires parfaits).
D'ici là , je ne vois pas - malgré votre insistance - quelle autre réponse aurait du sens.
Veuillez agréer l'expression de ma considération .
D. Jouault
DSDEN du Val-de-Marne."
Cette lettre mérite quelques commentaires. D’abord elle apporte confirmation que tant la mairie que l’inspection académique veulent à tout prix la fusion des deux écoles et ne tiennent aucun compte, ni des engagements pris en public lors de l’audience du 9 avril, ni du refus des familles, ni des besoins des enfants (je ne reviens pas ici sur l’aberration pédagogique que représente ce regroupement, rappelons simplement que l’Education Nationale proclame sans cesse qu’il faut éviter les collèges à plus de six cents élèves et qu’on s’apprête ici à créer une école primaire d’une jauge bien supérieure, école où des petits de six ans ou moins se rendront pour leur rentrée en CP ! ).
Ensuite elle est assez révélatrice de la distorsion du langage que pratique couramment le sarkozysme : l’IA fait état avec grandiloquence du « sens » et des « valeurs » dont le projet serait porteur mais, bien entendu, il se garde de montrer en quoi « sens » et « valeurs » sont présents dans cette idée saugrenue de regrouper plus de six cents enfants dans une structure unique. L’IA persiste dans la veine grandiose en affirmant ensuite avoir pour seule préoccupation « l’intérêt des enfants » mais là encore il évite soigneusement d’expliquer où est cet intérêt. Il serait en réalité bien en peine de démontrer comment des effectifs si lourds vont faciliter la prise en charge individuelle, la lutte contre l’échec scolaire et la violence ! Ce projet doit vraiment lui tenir à cœur pour qu’il en vienne à sous-entendre que les parents d’élèves (à qui il conseille par ailleurs, comme une menace insidieuse, de cesser d’être « insistants ») sont incapables de sérénité, alors que les textes officiels évoquent constamment leur rôle essentiel. Ironie du calendrier, le dernier BO qui contient la circulaire de rentrée (document capital à l’Education Nationale puisqu’il présente les grandes orientations politiques qui seront appliquées lors de l’année scolaire à venir) insiste encore sur ce point : « L'ouverture, le dialogue avec les parents d'élèves, la qualité des échanges, dans le respect des responsabilités éducatives de chacun, sont des conditions nécessaires de la réussite de la mission éducative confiée par la Nation à son École. ». Dommage pour l’IA qui se retrouve ainsi en porte à faux avec les textes officiels qu’il a à charge de défendre !
La conclusion de son courrier est elle aussi révélatrice de la conception actuelle du dialogue en haut lieu : en gros l’IA et le maire feront ensemble leur petite cuisine politicienne et peu importent les avis des experts ou des familles. On croit entendre le fameux « j’écoute mais je tiens pas compte » proféré à Provins le 20 janvier par le président de la République. Reste encore la toute dernière phrase par laquelle l’IA indique son désir d’appliquer l’article 34 de la loi d’orientation pour l’école. De cet article il a une conception étrange, puisqu’il y est bien prévu des possibilités d’expérimentation validées par l’Inspection académie et la mairie, mais dans le cadre d’un projet d’école et donc à l’initiative des enseignants. Ceux-ci, tout comme les parents, sont, dans le cadre de ce projet, niés dans leurs compétences, rabaissés au rang d’exécutants. Les enfants eux, leurs besoins, l’attention qu’on doit leur porter, sont tout bonnement oubliés pour satisfaire probablement des ambitions politiques personnelles : pouvoir se targuer de la création d’un des premiers EPEP serait probablement bien vu en haut lieu, espèrent sans doute le maire et l’IA.
Marie Lavin
Section PS de Nogent-sur-Marne
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