Les journaux («Journal des arts», «Le Monde», «la Tribune de l’Art»)
qui évoquent l’affaire sont rares et semblent hélas inaudibles, puisque
les réactions sont fort peu nombreuses et pourtant l’heure est grave et
le péril imminent.
Au détour de l’article 52 de la loi de finances 2010 se profile clairement la destruction par l’état sarkozyste de plus de deux siècles de protection du patrimoine national. C’est en effet en 1794 que l’abbé Grégoire, s’en prenant au vandalisme révolutionnaire (« Je créai le mot pour tuer la chose » disait-t-il), affirme l’existence d’un patrimoine collectif que la Nation a pour mission de protéger : « le respect public doit entourer particulièrement les objets nationaux qui, n’étant à personne sont la propriété de tous ». La Convention décide dans la foulée de protéger « les objets qui intéressent les arts, l’histoire et l’instruction ». Guizot en 1830 crée le premier poste d’inspecteur des monuments historiques, poste que Mérimée occupera avec passion de 1834 à 1853, jetant les fondements de la protection par l’Etat des monuments importants et instituant à cette fin le classement des édifices. Les régimes politiques successifs ont tous depuis poursuivi ce processus de sauvegarde par l’Etat des œuvres patrimoniales dont la définition s’est étendue de façon exponentielle au XXème siècle : aux bâtiments anciens sont venus s’ajouter des créations contemporaines, des témoins de la mémoire industrielle, des jardins et, plus récemment encore, des « lieux de mémoire » (mur des fédérés, Oradour sur Glane…). Le succès, qui ne se dément pas depuis leur création en 1984, des journées du patrimoine, témoigne de l’adhésion des Français à l’idée d’un patrimoine commun à protéger.
Déjà en 2003 Jean-Jacques Aillagon avait autorisé la cession de certains monuments aux collectivités territoriales mais, outre que peu d’entre elles s’étaient empressées d’acheter des édifices d’un entretien souvent coûteux, le ministre de la culture avait alors limité très précisément les possibilités pour l’Etat de se défaire de son patrimoine. Or l’article 52 de la loi de finances élargit le périmètre des monuments et sites transférables, qui ne sera plus limité à une liste fixée par décret et couvrira dès 2010 la totalité des monuments appartenant à l'Etat et à l'ensemble de ses établissements publics, en outre l’Etat pourra maintenant se défaire aussi des objets mobiliers classés. On peut à première lecture se dire que, si l’Etat cède son patrimoine aux collectivités territoriale il n’ y a que moindre mal, sauf que, la loi étant muette, rien n’interdira aux dites collectivités de pratiquer un nouveau transfert au profit d’une entreprise culturelle à visée commerciale ou même d’un particulier. Enfin il est essentiel de signaler que seul le préfet aura à se prononcer sur les cessions, le ministère de la culture, pourtant concerné au premier chef, n’ayant pas à être consulté. Une partie de l’UMP s’en réjouit ouvertement et le rapporteur spécial de la commission des finances du sénat, Yann Gaillard, a ces mots qui dévoilent la logique à l’œuvre : ce processus « s'inscrit dans la droite ligne de la « désétatisation » du patrimoine monumental …préconisée dans [un] rapport de 2002 sur le patrimoine monumental. De fait, c'est à la société tout entière qu'il appartient de conserver et d'entretenir le patrimoine, l'Etat ne pouvant se prévaloir d'aucun monopole en la matière. » Cette distinction entre Etat et société toute entière, signe tout simplement l’arrêt de mort de la politique patrimoniale nationale. L’extrême gravité de cette décision explique la réaction inquiète de quelques députés de droite comme Nicolas Perruchot, rapporteur spécial de la commission des finances de l’Assemblée Nationale qui, ne voulant pas s’opposer à la logique libérale en action, propose d’au moins « recenser, au sein d’une « liste négative » les éléments du patrimoine national non transférables ». Ainsi l’Arc de Triomphe, Versailles, les Invalides ou le Louvre (ce sont les exemples cités par Nicolas Perruchot) seraient déclarés « non transférables « mais on pourrait très bien imaginer qu’un préfet accepte de se défaire de la cathédrale de Chartres, de la colonne Vendôme ou du pont du Gard, voire du Mont Saint Michel si cher au cœur de Nicolas Sarkozy.
Au détour de l’article 52 de la loi de finances 2010 se profile clairement la destruction par l’état sarkozyste de plus de deux siècles de protection du patrimoine national. C’est en effet en 1794 que l’abbé Grégoire, s’en prenant au vandalisme révolutionnaire (« Je créai le mot pour tuer la chose » disait-t-il), affirme l’existence d’un patrimoine collectif que la Nation a pour mission de protéger : « le respect public doit entourer particulièrement les objets nationaux qui, n’étant à personne sont la propriété de tous ». La Convention décide dans la foulée de protéger « les objets qui intéressent les arts, l’histoire et l’instruction ». Guizot en 1830 crée le premier poste d’inspecteur des monuments historiques, poste que Mérimée occupera avec passion de 1834 à 1853, jetant les fondements de la protection par l’Etat des monuments importants et instituant à cette fin le classement des édifices. Les régimes politiques successifs ont tous depuis poursuivi ce processus de sauvegarde par l’Etat des œuvres patrimoniales dont la définition s’est étendue de façon exponentielle au XXème siècle : aux bâtiments anciens sont venus s’ajouter des créations contemporaines, des témoins de la mémoire industrielle, des jardins et, plus récemment encore, des « lieux de mémoire » (mur des fédérés, Oradour sur Glane…). Le succès, qui ne se dément pas depuis leur création en 1984, des journées du patrimoine, témoigne de l’adhésion des Français à l’idée d’un patrimoine commun à protéger.
Déjà en 2003 Jean-Jacques Aillagon avait autorisé la cession de certains monuments aux collectivités territoriales mais, outre que peu d’entre elles s’étaient empressées d’acheter des édifices d’un entretien souvent coûteux, le ministre de la culture avait alors limité très précisément les possibilités pour l’Etat de se défaire de son patrimoine. Or l’article 52 de la loi de finances élargit le périmètre des monuments et sites transférables, qui ne sera plus limité à une liste fixée par décret et couvrira dès 2010 la totalité des monuments appartenant à l'Etat et à l'ensemble de ses établissements publics, en outre l’Etat pourra maintenant se défaire aussi des objets mobiliers classés. On peut à première lecture se dire que, si l’Etat cède son patrimoine aux collectivités territoriale il n’ y a que moindre mal, sauf que, la loi étant muette, rien n’interdira aux dites collectivités de pratiquer un nouveau transfert au profit d’une entreprise culturelle à visée commerciale ou même d’un particulier. Enfin il est essentiel de signaler que seul le préfet aura à se prononcer sur les cessions, le ministère de la culture, pourtant concerné au premier chef, n’ayant pas à être consulté. Une partie de l’UMP s’en réjouit ouvertement et le rapporteur spécial de la commission des finances du sénat, Yann Gaillard, a ces mots qui dévoilent la logique à l’œuvre : ce processus « s'inscrit dans la droite ligne de la « désétatisation » du patrimoine monumental …préconisée dans [un] rapport de 2002 sur le patrimoine monumental. De fait, c'est à la société tout entière qu'il appartient de conserver et d'entretenir le patrimoine, l'Etat ne pouvant se prévaloir d'aucun monopole en la matière. » Cette distinction entre Etat et société toute entière, signe tout simplement l’arrêt de mort de la politique patrimoniale nationale. L’extrême gravité de cette décision explique la réaction inquiète de quelques députés de droite comme Nicolas Perruchot, rapporteur spécial de la commission des finances de l’Assemblée Nationale qui, ne voulant pas s’opposer à la logique libérale en action, propose d’au moins « recenser, au sein d’une « liste négative » les éléments du patrimoine national non transférables ». Ainsi l’Arc de Triomphe, Versailles, les Invalides ou le Louvre (ce sont les exemples cités par Nicolas Perruchot) seraient déclarés « non transférables « mais on pourrait très bien imaginer qu’un préfet accepte de se défaire de la cathédrale de Chartres, de la colonne Vendôme ou du pont du Gard, voire du Mont Saint Michel si cher au cœur de Nicolas Sarkozy.
A l’heure où le président se gargarise de l’identité nationale, évoque le lien charnel des Français avec la terre et les morts, exige un musée consacré à l’Histoire nationale, on voit clairement que la logique libérale l’emporte, chez lui comme dans son parti, sur l’attachement de la Nation à son patrimoine, qu’il fait fi de toute la tradition française dans ce domaine et qu’en réalité son soi-disant attachement à notre passé ne constitue qu’un fonds de commerce électoral.
Marie Lavin (Voir son blog ici)
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