La sagesse des gouvernants consiste normalement à légiférer à froid et donc à ne pas laisser l’émotion prendre le pas sur la raison. Ceci est d’autant plus important en matière de Justice, domaine dans lequel l’Etat doit trancher sur des faits loin de toute vengeance ou connotation affective. Cela n’est pas simple car certains crimes apparaissent comme particulièrement odieux et soulèvent chez chacun de nous colère et répulsion. Faut-il pour autant inventer de nouvelles lois à chaque fait divers ?
La Justice, dans les pays démocratiques se fait sur des faits délictueux déjà commis, en aucun cas sur des délits virtuels ou une « dangerosité » estimée qui en a conduit beaucoup au Goulag. Le projet de loi de Madame Dati sur la « rétention de sûreté » est pourtant de cet ordre. Elle vise particulièrement les délinquants sexuels dont les faits ont montré qu’ils pouvaient récidiver, obéissant à des pulsions incontrôlables. Il appartient aux jurés lors des procès de condamner à des peines proportionnées à la gravité des délits. Il appartient aussi à la Justice de veiller à la vertu thérapeutique de la peine. On sait aujourd’hui que les délinquants sexuels sont aussi des malades. Il serait donc bien venu d’octroyer à l’Administration Pénitentiaire les moyens de les soigner pendant le temps de leur peine afin de préparer leur réinsertion.
Lorsqu’il était Ministre de l’Intérieur, l’actuel Président de la République a fait abolir la double peine pour les délinquants étrangers, théoriquement tout au moins. Dans le projet de MadameDati, c’est d’une double peine qu’il s’agit puisque, c’est à l’issue de sa peine accomplie, ayant donc payé sa dette à la société que tel délinquant jugé dangereux sera à nouveau enfermé dans un centre de rétention de sûreté afin d’y être soigné. Deux questions se posent :
- pourquoi attendre 15 ans pour soigner un délinquant malade ?
- qui décidera de la dangerosité de ces personnes ?
Tous les psychiatres et psychanalystes savent bien que nul ne peut prévoir le passage à l’acte d’un individu. Il n’est que d’écouter les rubriques de faits divers horribles qui précisent toujours : « C’était une personne, une famille, un quartier sans histoire ». Aucun médecin de l’âme ne prendra le risque d’affirmer qu’un patient est totalement inoffensif jusqu’à la fin de ses jours.
Dans cette improvisation qui vise à plaire à l’homme de la rue en lui faisant croire qu’il ne risquera plus rien pour lui et ses enfants, on voit bien qu’il s’agit dans le domaine de la Justice comme cela commence aussi à se faire dans le domaine du travail, de déréguler, supprimer le cadre et les limites. Si en mai 68, il était « interdit d’interdire », histoire de secouer le joug de l’autoritarisme, aujourd’hui le nouveau pouvoir supprime les règles collectives, invente des contrats individuels, juge les personnes et non les faits et induit ainsi une perte du sens et une confusion qui ne peuvent que faciliter un pouvoir autoritaire.
C. G., le 9 janvier 2008.
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